UNEDIC : faut-il faire une place au privé ?

J’ai participé ce matin, et par téléphone, à l’émission « service public » diffusée sur France Inter. Le thème du jour était le suivant : « le marché de l’emploi : faut-il faire une place au privé ? » Participaient également à l’émission, Annie Thomas, Présidente de l’UNEDIC, François Desanti (CGT chômeurs) et Roland Bourglan, Président de la Fédération nationale des unions régionales des organismes de formation. Si vous souhaitez réécouter l’émission, elle est disponible en ligne ici pendant 7 jours.

Par ailleurs, j’ai accordé lundi dernier une interview au journal l’Humanité sur le placement des chômeurs par des opérateurs privés intervenant pour le compte de l’UNEDIC. Des éléments nouveaux sont apportés dans le débat comme notamment la nécessité de mettre en place un partenariat public/privé sur la question du placement des demandeurs d’emploi. Si vous souhaitez lire l’interview, cliquez ici (pdf).

5 Réponses to “UNEDIC : faut-il faire une place au privé ?”


  1. 1 Laurent GUERBY octobre 2, 2006 à 12:38

    Bonjour, dans une des discussions public/privé sur mon blog, un économiste a fait remarquer que les criteres de selections des chomeurs pour l’experience UNEDIC n’etaient pas aleatoires d’ou la difficulté d’interpreter.

    http://guerby.org/blog/index.php/2006/08/20/104-l-administration-bush-et-le-bon-sens#c862

    http://guerby.org/blog/index.php/2006/08/20/104-l-administration-bush-et-le-bon-sens#c893

    Je suis sidéré d’apprendre que les économistes sont dans le noir le plus complet pour cette affaire …

    Au passage, dans les comparaisons public-privé, il y a l’hopital aussi ou on s’amuse avec les statistiques :

    http://guerby.org/blog/index.php/2006/09/29/112-public-vs-prive-l-hopital

  2. 2 Yannick Fondeur octobre 2, 2006 à 5:42

    Laurent > C’est effectivement tout le problème : pour obtenir une évaluation correcte il faut contrôler ce « biais de sélection », ce qui, pour le moment, n’a pas été fait par l’Unédic. Traiter ce biais est une question complexe mais assez classique en économétrie des données de panels. Il s’agit de prendre en compte non seulement l’hétérogénéité observée (à partir des variables dont on dispose sur les individus passant dans le dispositif et les autres : niveau de diplôme, durée de chômage, perspectives d’indemnisation… ), mais également l’hétérogénéité inobservée (variables pour lesquelles on ne dispose pas de mesure statistique, la motivation par exemple). Il existe des techniques supposées prendre en compte cette dernière mais elles reposent sur des hypothèses pas toujours réalistes.

    Ce qui est « amusant » est que la sélection des chômeurs auxquels on propose de passer par le privé s’appuie elle-même en partie sur des modèles statistiques évaluant les durées probables d’indemnisation des chômeurs en fonction de leurs caractéristiques individuelles et, si je me souviens bien, de celles du bassin d’emploi. C’est donc en quelque sorte le statisticien qui introduit le biais de sélection qu’il va devoir corriger par la suite pour mener à bien l’évaluation du dispositif. Ceci m’amène à penser qu’il faudra que les auteurs des modèles d’évaluation travaillent étroitement avec les auteurs des modèles de sélection…

  3. 3 Laurent GUERBY octobre 2, 2006 à 8:10

    Yannick, merci pour ces précisions.

    Je ne sais pas qui milite à l’UNEDIC pour maintenir cette chappe de plomb, mais c’est vraiment regrettable.

  4. 4 rohan rémy octobre 13, 2006 à 12:57

    C’est un « marché public » de dupes, qui défie le fondement même des principes de la mise en concurrence. Ici, les plus chers, les plus gros, les plus forts ont été retenus par l’UNEDIC avec la bénédiction de Gérard Larcher qui connait bien ses (ces) ouailles. Le marché du reclassement est dominé par quelques tenors qui se sont assurés une position inexpugnable. Pour avoir été souvent des pionniers sur ce segment du conseil, ils ont bénéficié d’une logique imparable qui veut que : si je suis un patron licencieur, honteux mais désireux cependant de témoigner d’un zeste de bonté d’âme, j’offre à mes futurs ex.salariés le meilleur, le plus cher, le plus gros des cabinets. Ce faisant, je me mets à l’abri de toute critique ultérieure. Je sors le carnet de chèque et plus rien ne me sera reproché. Du coup, pas de concurrence possible à l’horizon, non plus. En effet, aucun patron ne prendrait bien sûr le risque de choisir un cabinet inconnu et encore moins une association, quand bien même disposerait-elle des meilleurs professionnels. Ces gros cabinets, aux approches techniciennes assez caricaturales, comptent surtout sur l’efficacité de leurs bataillons de stagiaires, consultants juniors auxquels on se presse d’enseigner les techniques du matraquage téléphonique (dit « marketing emploi » pour les initiés).
    Les salariés mis sur le carreau sont souvent placés au forceps ou finissent par se trouver un job par eux-mêmes, vu la pression subie. Six mois après les stats de ces cabinets dégringolent. Malgré de faibles résultats sur l’expérimentation précédente, et contre toute attente, l’UNEDIC leur remplit à nouveau la tirelire. L’ANPE a, elle aussi, ses prestataires qui travaillent souvent mieux et pour bien moins chers. Certains centres de bilan habilités par l’ANPE affichent 65% de solutions à trois mois pour près de 750€, avec des prestations comme le BCA (bilan de compétences approfondi). De plus, il ne s’agit même pas d’une mesure de reclassement pure et dure. On peut donc émettre de sérieux doutes sur un lobbying (hold up)parfaitement préparé.

  5. 5 sem hervé octobre 13, 2006 à 3:46

    je vous invite à lire cet article extrait des archives web de l’Humanité

    « événement
    « Le suivi d’Ingeus ne m’a servi à rien »
    Lise, 32 ans, n’a pas été convaincue par la prestation de la société australienne. Témoignage.

    « J’ai été contactée par téléphone en septembre dernier après quatre mois de chômage. J’avais été licenciée d’un poste de vendeuse. Un agent de l’ANPE m’a proposé une méthode d’accompagnement innovante. Je préparais un concours de la fonction publique. Jusqu’alors, je n’avais pas eu besoin d’une aide extérieure, mais je me suis dit : pourquoi pas ? Un courrier a confirmé mon « adhésion ». J’ai eu tout de suite un rendez-vous.

    Le premier contact était très sympa, chaleureux, souriant, dynamique, presque trop. Il y a vraiment une différence avec la manière dont on est reçu à l’ANPE : ils mettaient en avant leur côté boîte privée, très commercial. Leurs locaux, au centre de Lille, sont modernes, design, avec des bureaux en « open space », un accueil central, une secrétaire qui fait très « entreprise ». Il y a une machine à café, une fontaine à eau, des chocolats pour tout le monde et un sapin à Noël. À l’ANPE, on est assis en face du conseiller, de l’autre côté de son bureau. Chez Ingeus, on est assis du même côté. C’est très étudié pour qu’on se sente dans un endroit privilégié. Tout est fait pour vous mettre à l’aise, mais j’ai plutôt trouvé ça bizarre.

    Le conseiller s’est présenté comme une sorte de coach – c’est le mot qu’il a utilisé. Son message, c’est qu’il allait me « booster » dans ma recherche d’emploi. Une fois qu’on entre dans le dispositif, la machine est lancée, c’est même un peu brutal. Le coach est toujours derrière vous, on a rendez-vous une fois par semaine : au début, j’ai pensé que cette approche était bonne pour retrouver un rythme dynamique. Mais finalement, comme je suis autonome, j’ai fini par demander des rendez-vous plus espacés. D’autant que ces entretiens ne me servaient pas à grand-chose : on formalisait juste mes démarches. Il y avait un espace ressources pour faire des recherches sur Internet, mais n’y étaient répertoriés que des sites classiques ou institutionnels. Rien de plus que ce que je consultais chez moi. On m’a fait suivre des ateliers, comment répondre au téléphone, décrocher des rendez-vous, des simulations d’entretiens. Tout cela m’a semblé un peu infantilisant. Avec le recul, je ne pense pas que leur méthode soit réellement adaptée au type de personnes qu’ils suivent : ils suivent des gens qui n’en ont pas forcément besoin, qui sont indemnisés et qui retrouveront de toute façon un emploi. En revanche, ces rendez-vous rapprochés mettent une pression accrue sur le chômeur.

    Mon suivi a duré jusqu’à ce que je réussisse à mon concours. Entre-temps, le conseiller a essayé de me repositionner sur des offres pour des petits contrats de vendeuse. C’était fait assez finement : c’était « en attendant », il fallait « prendre ce qu’il y avait ». En fait, c’était pour me faire sortir plus vite du dispositif. Il ne faut pas aller chez Ingeus si l’on veut réaliser un projet professionnel. Derrière tout ça, il y a un enjeu financier : je trouve que c’est malsain de faire de l’argent sur les chômeurs, surtout quand, comme dans mon cas, l’accompagnement n’a pas de sens. Je savais qu’Ingeus allait être payé davantage si je retrouvais un emploi. Alors je ne leur ai jamais envoyé les justificatifs du poste que j’occupe aujourd’hui. J’aurais trouvé inadmissible qu’ils soient rétribués pour un accompagnement qui ne m’a servi à rien.

    Propos recueillis par Lucy Bateman »


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